Je m’appelle Agnès Dominique, et après de longues années de travail acharné, j’ai la chance d’être aujourd’hui une magicienne semi professionnelle. Je n’arrive toujours pas à vivre de ma passion, mais je parle tout de même de chance, car beaucoup ne peuvent même pas dépasser le statut d’amateur dans ce domaine. Mais alors pourquoi est-ce aussi difficile de vivre de son art aujourd’hui alors que les moyens de se faire connaitre n’ont jamais été aussi importants ?
L’art se perd petit à petit
Je parle ici de mon domaine, la magie, mais je pense que l’on peut étendre cette réflexion à tout type d’art (la musique, la littérature, la peinture…). Dans un monde où les populations se tournent de plus en plus vers le matérialisme, il est difficile de percer et d’intéresser quand on fait de « l’abstrait ». L’art se perd et avec lui, les artistes. C’est malheureux car je suis persuadée que nous n’avons jamais eu autant de talents en France, et pourtant…
Une concurrence accrue, et à la fin…
Avec la démocratisation d’Internet, le développement des réseaux sociaux, et plus généralement des canaux de communication et de transmission, il n’a jamais été aussi simple de se faire connaitre. Mais se faire connaitre ne veut pas dire percer et vivre de sa passion. Aujourd’hui, les émissions de télé se multiplient, toujours en quête du talent de demain, mais la concurrence est rude, et le public préfère toujours miser sur des valeurs sûres, plutôt que sur les petits qui démarrent.
Autre paradoxe du moment selon moi, l’accès à la culture et à l’art n’a jamais été aussi facile, et pourtant les artistes sont de moins en moins reconnus. Entre le téléchargement illégal et la baisse faramineuse des prix, l’art est dévalorisé. Je trouve ça bien que le plus grand nombre de personnes puissent y avoir accès, mais cette démocratisation se fait souvent au détriment des artistes. Aujourd’hui, il est tellement simple de télécharger des spectacles de magie gratuitement en ligne, que l’on rechigne à payer et à se déplacer. L’art entre dans les foyers et le public déserte les salles.
Un statut d’intermittent et des petits boulots à répétition
Alors pour y arriver aujourd’hui, il faut prendre le temps et surtout ne pas avoir peur de s’éloigner de son art pour mieux le retrouver plus tard. Si vous voulez, nous sommes un peu les intérimaires du monde du spectacle. Nous enchainons les contrats courts, souvent pas renouvelable et devons faire face à de nombreuses périodes d’inactivité. De ce fait, la solution est d’enchainer les petits boulots. J’ai fait des études dans la vente et j’ai la chance de trouver souvent des postes de vendeuse, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde, et surtout, cela reste très instable. Difficile dans ces conditions de faire des projets sur l’avenir, de devenir propriétaire, de fonder une famille, sans jamais savoir de quoi sera fait demain.
Il y a aujourd’hui deux catégories d’artistes : ceux qui gagnent plus que leur vie et ceux qui galèrent pour y arriver. Alors est-il possible de vivre de son art en 2019 ? Je vous répondrai que oui, pour une petite majorité. Ce que je peux vous dire en tout cas, c’est que je continuerai à y croire, sans jamais abandonner, car j’en reste persuadée, c’est pour la magie, que je suis faite.